Après la tuberculose bovine, « sortir de cet enfer »
Éleveuse de race bazadaise en Gironde, Bérénice Walton a tout perdu à la suite de l’abattage total de son cheptel touché par la tuberculose bovine. La procédure de prix en charge des animaux a été longue et douloureuse pour l’éleveuse. Deux mois après le départ des dernières bêtes, la jeune femme va repartir de zéro.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
En cette fin de mois de juillet caniculaire, Bérénice Walton, éleveuse girondine, nous accueille sous son bâtiment d’élevage inauguré en mai 2022. Il y fait cinq degrés de moins de la température extérieure qui dépasse les 30 degrés. Sauf qu’il est vide. La jeune femme, qui porte cette exploitation depuis l’âge de 20 ans, a été contrainte de faire abattre son troupeau de 200 vaches de race bazadaise. En cause : un cas de tuberculose bovine en novembre 2023. La contamination par la faune sauvage a été confirmée.
Bérénice a vu disparaître son modèle d’exploitation respectueuse du bien-être animal et de l’environnement, qu’elle a mis treize ans à construire : « Mes animaux étaient nés, élevés, engraissés exclusivement à l’herbe entre quatre et six mois. Je proposais en vente directe des vaches de quatre à dix ans et des bœufs de quatre ans. C’était ma spécialité. » L’arrêté d’abattage total est tombé au début de janvier 2024.
Cependant, la procédure a été longue : « L’expertise a été compliquée en raison de la spécificité de ma ferme. Je ne rentrais pas dans les cases. J’ai interpellé les services de l’État, le ministre, sans réponse pendant des semaines. »
Une horreur
Le premier camion pour l’abattoir est arrivé à la mi-avril, le dernier à la fin de mai. « Pendant ce temps, on est obligé de nourrir les animaux, les séquestrer sous les bâtiments, se désole Bérénice. Je me suis retrouvée sans foin. Un voisin m’a dépanné. Les vêlages se sont poursuivis. Vous vous levez la nuit pour faire vêler des vaches, alors que vous savez que les animaux seront euthanasiés. Quand le cheptel est parti à l’abattoir, j’avais trente-cinq mères avec des petits veaux au pied. Une horreur. »
L’éleveuse aurait souhaité que le délai de 60 jours soit respecté, cela aurait occasionné moins de stress sur les animaux et moins de frais. Privée de revenu avec un salarié à payer, Bérénice Walton doit faire face à la gestion de sa ferme, aux lourds remboursements des investissements. « Face à ce genre situation et à une administration qui se réfugie derrière des normes obsolètes, on est seul. Il reste la famille et les rares amis. Je comprends que des éleveurs se suicident. »
Une cagnotte a été ouverte par l’une de ses amis pour la soutenir financièrement. Pour son fils de neuf ans, la jeune femme, qui est aussi vice-présidente de la chambre d’agriculture de la Gironde, a décidé de se battre pour sauver sa ferme et pour les éleveurs victimes de la tuberculose bovine. La Nouvelle-Aquitaine est la région la plus touchée.
Apprendre à « vivre avec »
Bérénice Walton dénonce une procédure obsolète. « Les grilles d’indemnisation datant de 2001 sont désuètes. Aujourd’hui, on abat 15 000 vaches par an pour une vache positive. On est en 2024, si c’était efficace, cela se saurait. Il va falloir apprendre à vivre avec cette maladie », tance la trentenaire. L’éleveuse, avec son avocat, tente un recours sur sa procédure d’indemnisation. L’indemnité de l’État va lui permettre de racheter des animaux, mais rien n’est prévu sur la perte d’exploitation. « En vente directe, je réalisais un chiffre d’affaires de 180 000 euros. Les services de l’État ont estimé ma perte de production à 40 000 euros. Dérisoire ! », fulmine l’éleveuse.
Le récent courrier de la Direction des services de l’agriculture indiquant que l’État n’est pas censé remettre l’exploitation dans le contexte où elle était avant la maladie, surtout lorsque celui-ci résulte de choix personnels, l’a mise en colère.
La jeune femme n’a pas d’autres choix que de racheter des vaches : « Je n’ai pas le droit de lâcher. Je dispose d’un an pour racheter un cheptel. Je pense repartir avec 25 mères bazadaises, sans doute complétée par une autre race, en espérant que ce choix devienne rentable d’ici à quatre ans. » Elle se relance donc, avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : le risque de subir une nouvelle contamination par la faune sauvage. Elle espère que le protocole sera revu afin que son troupeau ne soit pas à nouveau décimé pour rien.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :